Il est bon de préciser, avant tout, que le traitement de la dysproprioception dans le cadre d’une meilleure prise en charge du trouble dyslexique se base sur le fait que la dyslexie est un symptôme parmi tant d’autres, fruit d’une maladie sous-jacente plus ou moins grave.
Autrement dit, la thérapie proposée ne vise à pas à soigner la dyslexie à proprement parler, mais la pathologie qui cause les anomalies de la proprioception : troubles musculaires, troubles temporo-spatiaux, troubles perceptifs et sensoriels… jusqu’à provoquer les symptômes de la dyslexie ! La maladie soignée, ce dommage collatéral disparaît automatiquement !
Soigner la dyslexie avec la proprioception : quelques explications…
Les informations reçues par les yeux sont généralement relayées au cerveau par le nerf trijumeau, celui même qui transmet les consignes nerveuses aux muscles masticateurs, situés dans la bouche. On peut donc affirmer que la proprioception de la bouche et celle des yeux sont étroitement liées.
Un trouble au niveau de l’une peut interférer avec l’autre et vice-versa, cela constitue sans doute la principale cause des résultats médiocres en lecture.
Cela explique le fait que près de trois quarts des enfants dyslexiques présentent également un « syndrome de dysperception stomatognathique » associé à des difficultés de respiration orale, des problèmes de déglutition, une langue trop basse, encombrement dentaire, irrégularité de la position des mâchoires (supérieure trop en avant, inférieure trop en arrière). On remarque également chez les jeunes dyslexiques une certaine immaturité de la coordination motrice de la langue et de la gorge, ce qui peut provoquer un bégaiement outre les difficultés en lecture.
Le traitement proprioceptif pour soigner la dyslexie : en quoi cela consiste ?
Le traitement proprioceptif comporte 4 éléments principaux :
- Le port de semelles de posture ;
- Le port de lunettes à prisme de faible puissance ;
- L’exécution d’exercices musculaires pour corriger la posture ;
- Le maintien de postures spécifiques dans certaines circonstances.
Le port de semelles de posture
Les plantes de pied étant particulièrement importantes dans la régulation de la posture, le traitement proprioceptif nécessite le port de semelles dites « de posture ». Semelles spéciales et très fines, contrairement aux semelles orthopédiques, celles-ci vont appuyer sur les capteurs sensoriels situés au niveau de la plante des pieds, appelés corpuscules de Pacini et vont provoquer une réponse posturale.
Le port de lunettes à prisme de faible puissance
Les lunettes prismatiques de petite puissance vont corriger la proprioception oculaire, et ce, en modifiant l’arrivée de la lumière sur la rétine.
Quel rapport avec la posture ? Elles vont ainsi modifier la manière dont l’enfant perçoit son espace visuel, en périphérie en particulier, ce qui va automatiquement entraîner un changement postural. Par exemple, si l’enfant a tendance à s’incliner vers la gauche, les prismes vont déplacer légèrement l’image vers la droite pour obliger l’enfant à se redresser pour une vision toujours centrée.
Les prismes sont de faibles puissances. Elles ne présentent donc aucun danger et ne risquent pas de provoquer des accoutumances. Pour être plus efficaces néanmoins, les montures devront respecter la forme recommandée par l’opticien.
Les exercices de reprogrammation de posture
Pour traiter les dysfonctionnements proprioceptifs et subséquemment, pour soigner la dyslexie, les spécialistes préconisent bien évidemment la réalisation d’exercices spécifiques, à faire quotidiennement.
Ces exercices, surtout basés sur la respiration abdominale peuvent être proposés par des professionnels et visent à reprogrammer la posture de l’enfant. Le traitement peut donc durer plusieurs mois, voire plusieurs années et nécessitent un grand investissement de la part de la famille. Les exercices sont, par ailleurs, faciles à exécuter, mais étant donné leur régularité, l’assistance des proches est souvent nécessaire pour motiver le petit patient.
Les exercices d’adaptation de postures
Les exercices d’adaptation consistent à maintenir une bonne posture afin de corriger toute asymétrie du tonus musculaire, due à des informations proprioceptives erronées. La plupart du temps, le cerveau croit que l’enfant se tient bien droit alors que ce n’est pas du tout le cas. Il s’agira donc de corriger cette mauvaise croyance.
Ces exercices se basent généralement sur les postures classiques, utilisées au quotidien : bonne position pour tout travail scolaire, bonne position en cas d’endormissement, bonne position lorsqu’on attend debout, etc.
La pose de microstimulation dentaire
La pose de microstimulation dentaire n’est pas obligatoire. Elle consiste à poser des ALPH – des microstimulations invisibles, sur les dents lorsqu’il y a interférence entre la proprioception de la bouche et celle des yeux. Le traitement, à faire en complément à une prise en charge ostéopathique, peut durer quelques mois.
Les objectifs du traitement proprioceptif
Concrètement, le traitement proprioceptif va permettre de :
- Corriger le tonus musculaire paravertébral ;
- Corriger la localisation spatiale pour une vue stable, une stratégie du regard efficace quelle que soit la position de l’enfant et ses conditions de vision, ainsi que pour une normalisation du capteur stomatognatique ;
- Corriger les réflexes de la nuque ainsi que tout organe innervé par le nerf trijumeau.
Soigner la dyslexie avec la proprioception : est-ce ça marche ?
Est-ce efficace ? Une étude portant sur les effets positifs de la proprioception sur les difficultés de lecture a été effectuée en 1996, mais il faut avouer que cette hypothèse n’a pas encore fait l’objet de recherches scientifiques sérieuses. Malgré tout, ceux qui ont essayé sont unanimes : le traitement proprioceptif améliore aussi bien la précision que la vitesse de lecture des enfants dyslexiques.
Le Dr Martins de Cunhà, médecin et chercheur portugais qui a notamment concentré ses études sur le Syndrome de Déficience Posturale aurait traité beaucoup de patients dyslexiques que lui aurait envoyé un compère neuropsychologue, après que celui-ci ait découvert les améliorations apportées à un premier patient dyslexique, ayant souffert de douleurs musculaires.
Les ophtalmologistes du CHU de Dijon, en collaboration avec l’Unité Inserm « Motricité Plasticité » de l’Université de Bourgogne ainsi que le centre d’investigation clinique de la Faculté de médecine de Dijon ont conduit une étude récemment sur plusieurs enfants dyslexiques. Ils sont pu constater, dans un premier temps, que ceux souffrant de dyslexie avaient bel et bien une posture irrégulière ainsi que des difficultés à garder leur équilibre.
Soumis à un traitement proprioceptif, on a observé sur les patients dyslexiques de bons résultats en test de leximétrie, c’est-à-dire en lecture de mots réguliers et irréguliers, mais également au niveau des compétences graphémiques. Seules les capacités phonologiques sont restées les mêmes.